Journées d’études – Paris – 2 & 3 Juin 2022
“De l’idéation suicidaire au retour de l’élan vital”
Programme :
« Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie ! » André Malraux
Certaines étapes du cycle de vie comme l’adolescence, le grand âge, des évènements que l’on subit et face auxquels on se sent impuissant, la perte d’un emploi par exemple, ou encore des traumatismes dont on est victime, le harcèlement, les violences physiques ou sexuelles ou des actes inacceptables, dont on est l’auteur, conduisent des hommes, des femmes, des adolescent(e)s voire même des enfants, à abandonner toute perspective existentielle.
De même, certains patients schizophrènes, que l’on croit enfin stabilisés grâce au traitement, aux différentes psychothérapies et prenant soudainement conscience de l’irréversibilité de leurs troubles et de l’impossibilité pour eux de mener une vie « normale » décident soudainement de mettre fin à leurs jours.
Face à ces patients, les professionnels se trouvent confrontés à un choix éthique décisif :
- La volonté de mettre fin à ses jours est-elle un droit fondamental des hommes et des femmes de disposer d’eux-mêmes, une liberté inaliénable du sujet, ou bien, si le thérapeute ne peut imposer à ses patients de faire le choix de se maintenir en vie, doit-il leur rappeler leur devoir de rester vivant non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres ?
- Une perspective qui implique de savoir compter pour ces « autres » et de pouvoir, malgré tout, compter sur eux.
Si nous faisons nôtre cette seconde alternative, alors une nouvelle question se pose : qu’allons-nous mettre en oeuvre pour permettre à ces patients de retrouver un élan vital redonnant un sens à une existence dont la mise en récit est toujours en cours d’écriture ?
L’objectif de ces deux journées d’études sera de nous éclairer sur la prise en charge de ces patients et de nous permettre comme professionnels de mesurer l’importance de notre engagement face à ces situations.
2 Juin :
9h30-10h00 : Jean-Paul MUGNIER
Introduction des Journées d’Etudes
10h00-11h00 : Michel DELAGE
Quelle place pour la mort dans la vie familiale ?
Il s’agira, à partir d’un cas clinique, de montrer les rapports qui peuvent s’établir chez un sujet entre l’addiction, l’ordalie et la mort et comment ces rapports peuvent être liés à la dynamique familiale avec les conséquences qu’on peut en tirer dans le travail thérapeutique.
11h00-11h15 : pause
11h15-12h15 : David LE BRETON
« Adolescence, suicide et jeu avec l’idée de mort »
Le suicide est rarement une recherche de la mort, il vise d’abord la fin d’une souffrance. A défaut de trouver une solution pour s’extirper d’une impuissance, et assuré du sentiment que la situation est irréversible, la mort parait alors aux yeux de l’acteur la seule issue pour mettre un terme à une insupportable tension. Mais au moment de l’adolescence, l’acte est porteur d’une forte ambivalence. La mort comme instance irréversible d’arrachement à l’existence est rarement alors l’horizon d’attente. Dans le contexte de la jeunesse, les tentatives de suicide comme les conduites à risque sont toujours en dernière instance des tentatives de vivre (Le Breton, 2007). Elles visent à la restauration de soi, à l’effacement d’une souffrance, non à la destruction.
12h15-13h45 : déjeuner libre
14h00-17h30 : Marco VANNOTTI et Michèle GENNART
Idées suicidaires : un lien porteur pour celui qui n’en peut plus de soi
Le suicide – littéralement « meurtre de soi » – est souvent appréhendé comme une affaire individuelle, comme une décision à laquelle la personne aboutirait dans une délibération de soi à soi. La clinique nous donne tout autre chose à voir et à penser.
D’une part, les suicides ou tentatives de suicide apparaissent comme l’une des plus douloureuses blessures qui puissent affecter les liens et l’expérience de la fiabilité dans les familles.
D’autre part, l’intention suicidaire survient bien souvent là où l’appartenance du sujet à son contexte interhumain est « mortellement » touchée – touchée d’une façon telle qu’il a l’impression de ne plus pouvoir supporter de vivre. Plutôt que d’en appeler à l’autre auquel il ne croit plus, le sujet blessé se retourne contre lui-même, transformant une défaite intersubjective en un combat de soi à soi – le seul champ où semble demeurer un certain pouvoir : celui, fatal, d’en finir.
L’un des enjeux de l’intervention thérapeutique nous semble dès lors viser à retrouver le champ de respiration interhumain originaire du mouvement suicidaire. C’est dans ce champ interhumain que la personne a été blessée ; c’est là aussi qu’un soutien, une réparation, un réveil de l’espoir sont possibles.
En voulant mourir, la personne se propose de soustraire son humanité au groupe. Dans notre intervention, nous inviterons les participants à prendre position par rapport à cette thématique et présenterons quelques pistes pour le faire. Il s’agit de développer un questionnement éthique sur les responsabilités qui nous incombent à l’égard de l’humain comme tel. Notre position est que, si nous acceptons la volonté suicidaire de l’individu comme une « décision libre », nous méconnaissons à notre tour son humanité.
Au travers de situations cliniques, nous discuterons de la manière dont remettre en mouvement, avec les personnes qui nous confient leurs idéations suicidaires, leur propre sens éthique, leur responsabilité (vis-à-vis d’eux-mêmes et de l’autre), leur aptitude à la confiance, à un moment où ils tendent à se considérer comme justes bons à jeter à la mort.
Il s’agit, dans la rencontre avec ces personnes en proie au désespoir, d’un véritable « combat rapproché » pour le maintien de leur dignité ; d’un combat où nous avons à allier empathie et confrontation, et à ramener sur le devant de la scène les grands protagonistes, souvent estompés, qui font le vif de leur histoire de vie et de leur monde « intérieur ». Nous commenterons également les facteurs protecteurs sur lesquels les proches peuvent s’appuyer pour aider la personne en détresse.
Nous nous interrogerons enfin sur la manière dont tenir bon, en tant qu’intervenants, face à ces confrontations éprouvantes à la proximité – ou à l’effraction – de la mort.
3 Juin :
9h15-10h15 : Eric FIAT
A une jeune Parque, ou : l’illusoire liberté
Parce que comme le disait Proust les idées sont les succédanés des chagrins, nous partirons de ce chagrin, d’avoir vu disparaître une jeune fille sans rien oser lui dire de notre timide amour.
Main donnée ne préserve du suicide, mais main donnée peut, peut-être, encourager à pratiquer encore un peu le dur métier d’exister. Car l’homme n’est pas qu’un « être pour la mort », comme le disait Heidegger, il est d’abord un « être pour la vie » comme l’affirmait Ricœur.
Pour l’en convaincre, nous nous attacherons à remettre en question l’idée pourtant pérenne dans la tradition philosophique, selon laquelle le suicide serait l’acte suprême de la liberté.
10h15-10h30 : pause
10h30-12h00 : Marguerite CHARAZAC-BRUNEL
Redonner un amour de la vie au cours du vieillissement, est-ce possible ?
Durant mon intervention je proposerai d’aborder les thèmes suivants :
- Les questionnements éthiques face aux demandes de suicide assisté ou aux demandes d’euthanasie
En effet, face à de telles demandes, il est essentiel de percevoir le sens et le non-sens de ce qui les sous-tend, tant au niveau des liens avec la famille que du point de vue de la souffrance psychique qu’entraine la perspective de la mort, que des messages institutionnels et sociaux contradictoires voire paradoxaux.
- Les obstacles à l’élan vital au cours du vieillissement
Ces obstacles sont multiples et concernent tout autant le questionnement intrapsychique du sujet face à l’approche de la mort, que la peur que provoque chez l’autre de tels questionnements.
- Comment réanimer l’élan vital au cours du vieillissement ?
Un tel projet, pour qu’il puisse, même en partie, être atteint devra nécessairement prendre en compte les niveaux suivants : individuel, familial et institutionnel en particulier lorsque la personne âgée est domiciliée en EHPAD.
En effet, quelles que soient les étapes de son cycle de vie, le sujet demeure jusqu’au terme de son existence un être social dont l’identité –ipse- en référence aux travaux de Paul Ricoeur, se construit sans cesse dans des appartenances multiples.
12h00-13h15 : déjeuner libre
13h30-14h30 : Mark R. ANSPACH
Violence contre soi et élan vital
La violence retournée contre soi peut souvent être lue comme une violence déplacée. Au lieu de cibler un objet extérieur source de souffrance, le sujet détourne sa propre violence vers lui-même. Comment aider cette personne à résister à la tentation suicidaire ? On ne saurait l’inciter à rediriger sa violence vers l’extérieur ! Mais une tentative de suicide n’est pas seulement un acte violent, destructeur, elle peut aussi constituer, aux yeux du sujet, un moyen désespéré pour reprendre sa vie en main. Autrement dit, derrière la violence retournée contre soi, on peut parfois déceler une manifestation de l’élan vital. Manifestation certes paradoxale, détournée, déplacée. Dans les cas de ce type, il faudrait aider le sujet, non pas tant à retrouver un élan vital perdu, mais bien à trouver une façon positive et saine de rediriger cet élan qui existe déjà.
14h45-16h00 : Jean-Paul MUGNIER
Si on chantait… pour continuer d’aimer la vie
Nombreuses sont les créations musicales où s’expriment la tristesse et les doutes existentiels d’enfants et d’adolescents qu’une existence à venir effraie ou encore d’adultes désespérés de donner un jour un sens acceptable à leur vie.
L’opéra, les symphonies, les chansons apparaissent alors comme autant de médiateurs permettant l’expression de cette mélancolie pour, qui sait, devenir ensuite de merveilleux tuteurs de résilience !
Barbara, Alain Souchon et quelques autres seront nos invités pour clôturer ces journées.
Renseignements utiles :
Durée : 2 jours
Coût 2022 : 280 €
Lieu : ESPACE REUILLY
21 rue Antoine-Julien Hénard – 75012 PARIS
– Pas d’inscription sur place –
Pour vous inscrire, merci de nous adresser un bulletin d’inscription, via notre site : http://ides-asso.fr/bulletin-dinscription/